Les papyrus découverts dans les tombes de la vallée des Reines ont révélé de nombreux secrets de l’Egypte du temps des pharaons. Parmi les plus inattendus, les secrets de fabrication des produits de beauté de Nefertari, épouse bien aimée du pharaon Ramsès II. Ceux-ci étaient à base d’aloe vera, que les Egyptiens appelaient plante de l’immortalité.

Et pourtant, cette même plante a été classée, en 2013, dans la catégorie 2B par le Centre International de Recherche sur le Cancer, c’est-à-dire potentiellement cancérigène pour les humains.

Doit-on alors se méfier de cette plante aux multiples vertus et applications, connue comme un baume de jeunesse depuis l’antiquité ?

Pas du tout. 

A condition de prendre quelques précautions.

Une plante grasse très décorative, mais pas seulement

Originaire de la péninsule arabique, l’aloe vera est désormais cultivée dans toutes les zones tropicales du monde. Elle se caractérise par de larges feuilles charnues, rigides et dentelées, d’un vert émeraude. 

L’aloe vera fleurit rarement en intérieur, sauf si vous parvenez à reproduire ses conditions naturelles semi-arides – ce que je vous déconseille si elle se trouve dans votre salon ! Vous l’avez sans doute déjà aperçue dans une salle d’attente mais hélas sans sa magnifique hampe florale aux nombreux pétales jaunes.

L’aloe vera est surtout connue depuis des millénaires pour ses vertus curatives.

Des écrits de pharmacopées datant de l’antiquité grecque y faisaient déjà allusion. On en retrouve même des traces dans les médecines traditionnelles chinoises et ayurvédiques (en plus des papyrus). 

Des chercheurs du monde entier se sont intéressés aux propriétés de l’aloe vera. Grâce à leur travail, de nombreuses études scientifiques valident les indications de la plante:

  • L’aloe vera est reconnue pour ses propriétés cicatrisantes. Son application facilite la guérison des brûlures, des plaies, et de toutes formes de lésions de la peau. Ses vertus anti-inflammatoires sont efficaces contre les démangeaisons, les rougeurs, les coups de soleil et les piqûres d’insectes. C’est l’arme naturelle par excellence contre toutes les blessures superficielles de la peau. D’ailleurs il existe de très nombreux modèles de gants chirurgicaux ou de soins, imprégnés d’aloe vera, pour rendre les contacts et les manipulations, tout comme les toilettes, plus agréables pour les patients.
  • L’aloe vera est recommandée pour toutes les pathologies liées au dessèchement de la peau. Grâce à ses propriétés hydratantes en traitement externe, les onguents et gels à l’aloe vera produisent une barrière protectrice en surface de la peau, freinant la déshydratation. Elle est efficace contre le psoriasis, les dermatites, l’eczéma ou encore le lichen plan. Cette éruption cutanée sous forme de petites boursouflures rouges, accompagnée de fortes démangeaisons, pourrait être liée à la prise de certains médicaments ou à une hépatite.

Néfertari avait-elle de l’eczéma ou voulait-elle simplement rester belle ? 

Les propriétés protectrices et réparatrices de l’aloe vera expliquent son utilisation dans de nombreux produits cosmétiques pour prévenir le vieillissement de la peau et atténuer les rides.

Au delà de son effet anti-desséchant qui préserve la souplesse et la fermeté de la peau, l’aloe vera contient plus de 200 principes naturels actifs favorables à la régénération de la peau : 

  • Sa forte concentration en vitamines C et E lui confère un fort pouvoir antioxydant, c’est-à-dire qu’elle neutralise les radicaux libres présents dans la peau.   
  • Les polysaccharides naturellement présents dans l’aloe vera stimulent les cellules responsables de  la synthèse du collagène.
  • Les phytostérols activent la synthèse du collagène et de l’élastine. C’est la disparition progressive avec l’âge de ces deux protéines qui provoque la perte d’élasticité et d’éclat de la peau.

Comme quoi, les anciens, et notamment les pharaonnes, avaient vu juste.

Le risque cancérigène de l’aloe vera est-il réel ?

L’étude à l’origine de l’alerte faite par le Centre International de Rechercher sur le Cancer est tout sauf fantaisiste. 

Dans cette étude, initiée par le Centre National de Recherche Toxicologique des Etats-Unis, et publiée dans le Journal des Sciences Toxicologiques en 2013, on a fait boire à des rats de l’eau contenant des extraits de feuilles entières d’aloe vera. Ces feuilles avaient simplement été broyées et filtrées

Les résultats ont montré une incidence accrue d’une forme de cancer du gros intestin, après seulement quelques semaines.

Or le mode de préparation de la plante a toute son importance. Dans ce protocole d’étude, la feuille entière a été broyée puis filtrée. Or, selon le mode de préparation, l’aloe vera produit deux types de substances, à l’aspect et aux propriétés très différentes :

  • Le latex est une sève jaunâtre et amère qui se trouve à l’intérieur de minuscules tubes qui courent sous la surface de la feuille. Le latex peut être irritant pour la peau par simple contact. Car cette sève renferme une forte concentration d’aloïne, une molécule aux effets laxatifs puissants. Selon les chercheurs, c’est justement l’aloïne qui est potentiellement cancérigène lorsqu’elle est oxydée dans le tube digestif.
  • Le gel, ou pour être plus précis, le mucilage de la plante, est la substance gélatineuse qui se trouve au cœur de la feuille. C’est cette partie de la plante qui a des propriétés fortement émollientes (c’est-à-dire qu’elle amollit et adoucit les tissus de la peau). C’est elle qui confère à cette plante toutes ses propriétés naturelles pour le soin de la peau. 

Deux précautions à prendre avec l’aloe vera

La distinction entre latex et gel, et les effets radicalement différents de ces deux parties de l’aloe vera, a deux conséquences majeures :

  • Utilisez toujours des gants quand vous manipulez, nettoyez, touchez de l’aloe vera. En effet, vous pourriez facilement vous blesser la peau, et même provoquer des irritations cutanées, le comble pour un baume de beauté ! 
  • Soyez vigilant quant à la qualité des produits que vous utilisez s’ils mentionnent la présence d’extraits d’aloe vera. Sur le plan technique, afin d’être sûr d’éviter toute trace d’aloïne, la feuille ne doit être ni pressée ni raclée mais ouverte et découpée comme au scalpel.

Si vous n’avez pas prévu de fabriquer votre gel à l’aloe vera vous même, prenez ces précautions au moment de choisir votre produit à base d’aloe vera : 

  • Évitez les produits artisanaux, pour les raisons de sécurité que nous venons d’évoquer.
  • Choisissez la concentration la plus forte en extrait d’aloe vera.
  • Privilégiez toujours les cultures biologiques.

Enfin, sachez que l’aloe vera est aujourd’hui disponible dans une multitude de formats et modes de préparations : crèmes, jus, gélules, compléments alimentaires, etc. Réfléchissez au mode d’application qui correspond le mieux aux bénéfices que vous recherchez. 

  • Les crèmes et les gels sont bien sûr les plus efficaces pour les effets régénératifs sur la peau. Les gels sont souvent utilisés pour une protection contre les microlésions, et les crèmes plus souvent adaptées à un soin localisé, par exemple si vous recherchez un effet tenseur ou le comblement de ridules.
  • Les gélules sont efficaces contre les ulcères gastriques, mais avec un effet différé.
  • Les jus ont un effet immédiat et sont donc plus efficaces à court terme pour lutter contre les douleurs gastriques ou les brûlures d’estomac.

Vous savez désormais (presque) tout sur les secrets de l’aloe vera : non Nefertari n’est pas morte intoxiquée par son filtre de jeunesse, et oui vous pouvez profiter des bienfaits de l’aloe vera, une solution naturelle efficace pour votre peau, en toute confiance.

Prenez soin de vous,

Léopold Boileau, Votre correspondant

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Sources :

  1. La reconstitution grandeur nature de cette tombe est visible au musée de Tessé au Mans https://www.lemans.fr/dynamique/des-idees-de-visite/les-musees/le-musee-de-tesse/la-galerie-egyptienne/.
  2. Boudreau MD, Mellick PW, Olson GR, Felton RP, Thorn BT, Beland FA. Clear evidence of carcinogenic activity by a whole-leaf extract of Aloe barbadensis miller (aloe vera) in F344/N rats. Toxicol Sci. 2013 Jan;131(1):26-39. doi: 10.1093/toxsci/kfs275. Epub 2012 Sep 11. PMID: 22968693; PMCID: PMC3537128.
  3. Surjushe A, Vasani R, Saple DG. Aloe vera: a short review. Indian J Dermatol. 2008;53(4):163-6. doi: 10.4103/0019-5154.44785. PMID: 19882025; PMCID: PMC2763764./
  4. Zagórska-Dziok M, Furman-Toczek D, Dudra-Jastrzębska M, Zygo K, Stanisławek A, Kapka-Skrzypczak L. Evaluation of clinical effectiveness of Aloe vera – a review. J Pre Clin Clin Res. 2017;11(1):86-93. doi:10.26444/jpccr/74577.
  5. Sánchez M, González-Burgos E, Iglesias I, Gómez-Serranillos MP. Pharmacological Update Properties of Aloe Vera and its Major Active Constituents. Molecules. 2020 Mar 13;25(6):1324. doi: 10.3390/molecules25061324. PMID: 32183224; PMCID: PMC7144722.
  6. Feily A, Namazi MR. Aloe vera in dermatology: a brief review. G Ital Dermatol Venereol. 2009 Feb;144(1):85-91. PMID: 19218914.
  7. Syed TA, Ahmad SA, Holt AH, Ahmad SA, Ahmad SH, Afzal M. Management of psoriasis with Aloe vera extract in a hydrophilic cream: a placebo-controlled, double-blind study. Trop Med Int Health. 1996 Aug;1(4):505-9. doi: 10.1046/j.1365-3156.1996.d01-91.x. PMID: 8765459.
  8. https://www.sciencedirect.com/topics/medicine-and-dentistry/aloin.